Coup de projecteur sur – Alex Buisse
La guide et skieuse extrême Vivian Bruchez lors de la décente en rappel de la Dent du Géant au coucher du soleil, Chamonix, France.
Comment avez-vous débuté dans la photographie ?
J’ai commencé la photo peu après mes vingt ans, quand j’ai découvert l’escalade. J’utilisais au départ un petit appareil photo très simple. Je me rappelle avoir été frustré par le décalage entre les scènes incroyables auxquelles j’assistais au cours de mes aventures et les photos ternes que j’en rapportais. J’ai commencé à prêter plus d’attention au travail photographique et à emporter avec moi un reflex numérique pour la plupart de mes expéditions. Cela m’a motivé à pousser mes aventures toujours plus haut et toujours plus loin; Quelques années plus tard, j’ai quitté mon travail dans l’informatique pour devenir photographe à plein temps.
Quel type de photographie prenez-vous et qu’est-ce qui vous a motivé à vous concentrer sur ce genre ?
Mon premier amour, celui pour lequel je suis le plus connu, est la photo d’aventure dans toute sa diversité : alpinisme, parapente, VTT, trail, base-jump… Je pratique la plupart de ces sports moi-même (à l’exception notable du base-jumping) à des niveaux variés. Je crois que c’est indispensable pour être photographe d’aventure. Savoir accéder aux lieux les plus reculés et suivre tant bien que mal les athlètes que je photographie est crucial pour raconter des histoires.
Ces cinq dernières années, je me suis également lancé dans la photographie humanitaire, en particulier dans les reportages sur les réfugiés et sur le développement. Il était devenu important pour moi de diversifier mes sujets et ma façon de les raconter. Cela m’aide à apporter un aspect plus propre, un peu plus commercial, aux reportages humanitaires et, par ailleurs, un côté plus humain à mon travail d’aventure.
Quel a été le plus grand accomplissement ou le plus grand obstacle que vous ayez rencontré dans de votre parcours ?
L’un des accomplissements dont je suis le plus fier est d’avoir réalisé deux couvertures du fameux catalogue Patagonia. L’approche que cette marque a de l’aventure et leur amour de la photographie ont été une inspiration majeure lorsque je me suis lancé. Autre grande réalisation : les Jeux Olympiques de Rio en 2016. J’étais missionné sur quelques épreuves par des magazines français, mais j’ai fini par photographier tout ce que je pouvais. J’ai pris 46 000 images lors des Jeux ! Je devais couvrir les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020 pour le compte de la Fédération d’Escalade, mais le COVID-19 en a décidé autrement !
L’un des plus grands obstacles que j’aie pu rencontrer en cherchant à gagner ma vie en tant que photographe est le besoin constant de me réinventer. Il n’y a pas de « sommet » à atteindre, un endroit où il vous suffirait de vous reposer et d’attendre que le travail vienne à vous. Vous devez rester en réflexion constante, inventer des choses auxquelles personne n’a encore pensé et distinguer votre travail. C’est passionnant et épuisant ; tout dépend de mon humeur du jour.
Par qui ou par quoi êtes vous le plus inspiré ?
Une grande partie de mon travail est inspirée par les photographes d’aventure qui m’ont précédé, comme Pierre Tairraz, Mario Colonel ou Monica Dalmasso à Chamonix ou Jimmy Chin, Galen Rowell et Cory Richards aux États-Unis.
Mais j’ai une dette énorme envers certains très grands photographes documentaires : David Burnett, Éric Bouvet, Nick Ut, Don McCullin, Chris Hondros, Carol Guzy ou Tim Hetherington. Je suis également très inspiré par les œuvres plus contemporaines de Danielle Villesana, Kiliii Yuyan et Ismail Ferdous.
Quelle est votre démarche ? Existe-t-il un aspect que vous cherchez à réaliser lors de vos prises de vue (par exemple, créer certaines émotions, etc.), ou y a-t-il des techniques spécifiques que vous utilisez ?
Mon premier principe est de me concentrer sur les émotions que ressent la personne que je photographie. Aujourd’hui, je m’intéresse beaucoup plus au côté humain qu’aux mouvements extrêmes ou à l’action proprement dite.
Une équipe encordée escalade les Aiguilles d’Entrèves, devant un Val d’Aoste englouti sous les nuages, Chamonix, France.
Pourquoi la précision des couleurs est-elle importante dans votre travail ?
Il est très important pour moi de reproduire honnêtement la scène, qu’elle soit conforme à mes souvenirs. J’utilise également beaucoup les couleurs dans mes compositions pour mettre l’accent sur les éléments qui doivent attirer l’attention.
Alex utilise un SpyderX pour contrôler ses couleurs
Mes photos d’aventure m’emmènent souvent en haute montagne, où les paysages peuvent être assez monochromes entre la neige, le ciel et les rochers. N’importe quel touche de couleur se démarque. Il est donc particulièrement important que ces couleurs soient d’une précision totale.
Une équipe de coureurs traverse l’immense glacier Tyndall au premier jour de la Patagonian Expedition Race 2013, Torres del Paine, Chili.
Des conseils ou des astuces pour les photographes qui débutent leur carrière ?
Je recommanderais de prendre beaucoup de photos, dans de nombreux domaines, jusqu’à trouver ce qui vous passionne réellement. Et même lorsque vous aurez trouvé votre sujet de prédilection, continuez à prendre des portraits, des voitures, des aliments, de l’événementiel… Et ce même si vous voulez vous consacrer aux paysages. Cela vous aidera non seulement à affiner votre œil, mais cela vous donnera également de nouvelles idées qui vous aideront à photographier vos sujets préférés.